• La mort et ses représentations

    En ce jour consacré aux défunts, j'évoque les représentations de la mort dans l'art occidental et son évolution récente.  Il me semble que le respect du à la mémoire de ceux qui ont disparu est aujourd'hui malmené à un époque où la mort se banalise entre les jeux vidéos, l'actualité sanglante qui s'étale sur nos écrans. Plusieurs artistes contemporains en ont fait leur champ d'investigation, rejoignant les danses macabres de la période de transition entre le Moyen-Age et ce que nous appelons Renaissance.

    Parmi ces artistes je citerai Andres Serrano, photographe américain, qui est l'un des artistes de la Collection Lambert à Avignon, connu principalement pour ses portraits très crus de la série "The Morgue":

    La mort et ses représentations

    http://www.gophoto.us

    Les premières représentations de la mort que je veux prendre en exemple sont celles des gisants du Moyen-Âge, figures des défunts représentés sur leur lit de mort. Seuls les puissants pouvaient ainsi transmettre leur image à travers les âges, sous la forme de sculptures souvent de très belle facture, voulant transmettre une image idéalisée. A côté du corps "idéal", celui qui doit parvenir au Jugement Dernier, les transis figurent le corps abimé,

    La mort et ses représentations

    Transi du Cardinal Lagrange, Avignon, Musée Calvet, Avignon - 1402.

    Dans le grand trouble qui suit la fin du Moyen-Âge, avec son cortège de guerres, de famines et d'épidémies,  l'inquiétude des vivants devant la mort est devenue omniprésente. Les vivants peuvent tenter de la fuir, elle finit toujours par gagner et elle n'épargne personne. C'est la période des "danses macabres". Dans le dict des trois Vifs et des trois Morts" - 1390 - BNF -   trois jeunes chasseurs se trouvent face à face avec leur futurs cadavres, l'avertissement est net : voilà ce qui vous attend ! Ce thème va se retrouver souvent reproduit dans des gravures (Hans Holbein - Danse macabre) et des peintures (Buegel l'Ancien - Triomphe de la Mort), ou comme dans l'église de la Ferté, sur des fresques,

     

    La mort et ses représentations

    La Ferté Loupière  - "le Dict des Trois Vifs et des Trois Morts"

    Si dans ces danses macabres la mort intervient sous la forme de squelettes, plus ou moins réalistes, lors des siècles qui suivent les recherches scientifiques et notamment le développement de l'anatomie vont introduire une nouvelle dimension, un réalisme plus grand des représentations, ainsi qu'un certain détachement par rapport aux cadavres qui deviennent des prétextes à l'expérimentation. La mort sort du contexte religieux pour entrer dans celui de la science. Dans les cabinets de curiosité les "vanités" côtoient des crânes réels, des planches d'anatomie (comme celles de Vésale), des sculptures au ventre ouvert laissant voir les organes internes...

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    Philippe de Champaigne (1602-1674), Vanité Le Mans, Musée de Tessé.

    La vanité renvoie à l'évidence de notre fin, la mort, et de la vanité des biens terrestres, des passions, du pouvoir. A l'époque romantique la mort sera liée à l'amour, car les histoires d'amour finissent souvent mal dans les grands drames romantiques. La mélancolie elle aussi peut conduire à la mort.  Les peintres  ont souvent représenté la mort d'Ophélie, héroïne romantique s'il en est bien qu'elle ait été créée par un auteur du XVIème siècle.

     

    La mort et ses représentations

    John-Everett Millais

    Nous en sommes loin aujourd'hui, avec  la représentation triviale de la mort. Héritées des "écorchés" dont les sculpteurs et les peintres se servent comme sujets d'études, et qui peuvent être considérés comme des œuvres d'art, mais ce n'est pas leur destination première,

    La mort et ses représentations

    Atelier du sculpteur Brancusi

    les artistes contemporains n'hésitent pas à nous confronter aux cadavres eux-mêmes à la suite de Gunther von Hagens, anatomiste allemand qui n'hésite pas à montrer les corps figés dans la résine. Non, je ne les montrerai pas, mais il est possible de lire l'article qui lui est consacré sur le site : boumbang.com/gunther-von-hagens. Teresa Margolles, Tsurisaki Kiyotaka,  Vladimir Veličković, y sont cités  et ils confrontent eux aussi directement aux cadavres.  Plus près  des écorchés,  les photographies de Herbert List nous renvoient aux figures des cabinets de curiosité.

    La mort et ses représentations

    Herbert List - Instructive View into the Ribcage, 1944

    Nous sommes près ici des corps mutilés exposés dans les musées, au nom de la science, ceux évoqués par la série "Cold Case" dont j'ai parlé dans un article précédent, ICI.   Les chercheurs du laboratoire de Dundee ont choisi, au terme de leur enquête, d'offrir une sépulture à l'enfant mutilé, plutôt que de continuer à l'exposer dans un musée. Par respect du au vivant, par delà la mort.

    L'art contemporain regorge de "vanités", mais, le plus souvent nous sommes loin de la symbolique des danses macabres, des vanités classiques, de l'idéalisme des peintures romantiques.

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