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Les "carrières" : les quartiers juifs dans le Comtat Venaissin
Sous le nom de "carrière", "rue" en occitan, on désigne en fait les ghettos qui existaient au Moyen-Age et jusqu'à la Révolution dans certaines villes du Comtat Venaissin. A partir du XIIIème siècle il va s'agir de quartiers exigus et souvent sombres, fermés et isolés des quartiers chrétiens.
Avignon, la synagogue actuelle et l'entrée du quartier juif à l'époque des papes
Lorsque les juifs sont chassés du royaume de France, au XIVème siècle ; puis au XVe après la Reconquista, lorsqu'ils furent chassés de Provence ; beaucoup se réfugient dans le Comtat. L'état pontifical était accueillant, certes, mais sous certaines conditions et à partir du XVIIème siècle, ces conditions se font plus strictes. Car sous ce terme de "carrière" il s'agissait bel et bien d'un ghetto, où il était fait obligation de résider pour tous les membres de la communauté juive, et dont les portes étaient fermées la nuit. Les maisons se sont élevées en hauteur jusqu'à se toucher presque dans le haut, les fenêtres ne devaient pas ouvrir sur les rues chrétiennes.
Les quartiers disparaissent à la Révolution lorsque le Comtat devient français. Les juifs ont acquis les mêmes droits que les autres citoyens, notamment celui de se déplacer et d'habiter où ils voulaient. Ils se sont dispersés et les ghettos ont été détruits.
On retrouve la trace de ces carrières dans les noms des rues, autour des synagogues d'Avignon, de Cavaillon, de l'Isle sur la Sorgue, de Carpentras. Cette dernière est l'une des plus anciennes encore en fonction. L'ensemble date du XVIIIe siècle, mais les fondements sont du XIVe. La synagogue est installée dans une maison où il y avait un puits pour les ablutions rituelles (le bassin et les fours de boulangerie en sous sol ne se visitent pas pour des raisons de sécurité). Voir dans les commentaires, ils se visitent à présent.
La synagogue de Carpentras se visite - Photo Wikipedia
Elle est l’œuvre de l'architecte M. D'Allemand et il devait avoir un étage de plus pour abriter une école, mais Monseigneur d'Inguerbert ne voulait pas que la synagogue fasse de l'ombrage à la cathédrale St Siffrein.
L'exemple de la carrière de Carpentras est très représentatif des conditions de vie dans ces ghettos. On parle bien d'une rue, de quatre-vingt huit mètres de long, et de courtes impasses, où s'entassaient un millier de personnes dans 168 maisons grimpant en hauteur pour pallier le manque de place. Les fenêtres donnant sur les quartiers chrétiens sont murées, et inversement. Les deux côtés de la rue sont fermées par de lourdes portes closes la nuit et il est interdit aux juifs de coucher hors de la carrière sous peine de mort. Et lorsqu’ils sortaient du ghetto, les habitants avaient l'obligation de porter un insigne distinctif , la rouelle pour les femmes, un chapeau pour les hommes, rouge, puis jaune. Seuls certains métiers leur étaient autorisés. Appartements exigus et sombres, au manque de confort s'ajoute le manque d’hygiène.
Tout était fait par l'état pontifical pour que les juifs ne puissent se mélanger aux ouailles chrétiennes."Les Juifs, disent les Statuts du Comtat, pullulent d’une façon extraordinaire, puisque tous se marient dans leur plus verte jeunesse." Citation de cultures judaïques
la célèbre boule aux rats du portail de Saint Siffrein renvoie à cette image
Le terme de carrière est encore employé pour désigner les anciens ghettos, et ce dernier terme ne sera employé que lorsque le Comtat deviendra français.
Sources :
- cultures judaïques - les carrières
- wikipedia
- lire aussi :
- "JUIFS du Languedoc, de la Provence et des Etats français du Pape" Armand Lunel, éd : Albin Michel.
- René Moulinas, Les Juifs du Pape, Éd. Albin Michel, Coll. Présence du Judaïsme, Paris, 1992.
Tags : Comtat Venaissin, Époque moderne, Moyen-Age, Photographies personnelles, Société, Religions et croyances, Provence, France, Livres, Mots
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Commentaires
5NotsagMercredi 2 Octobre 2019 à 16:19Merci Triskèle, je fais quelques poses au milieu du tri et de l'empaquetage, que c'est fastidieux ! Me replonger dans l'histoire et mes photos me change les idées. Bon dimanche à toi aussi.
Bonsoir Fardoise, c'est quand même incroyable qu'il y ait toujours eu des discriminations, des ghettos et des signes distinctifs pour les juifs. Je ne savais pas que les fenêtres ne devaient pas ouvrir sur les rues chrétiennes!
Merci à toi de nous rappeler "l'histoire", je te souhaite une bonne soirée et un bon dimanche, amitiés.
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Merci de cette rectification et je suis heureuse de savoir que les visites sont possibles.